lundi 17 juin 2013

Arcane n°22: La Ruine







                           Arcane n°22 : la Ruine



           Il s'agit ici d'un projet avorté, qui consistait au préalable à représenter les vingt-deux arcanes du destin (cartes du tarot). En effet, trois seulement ont été réalisées. Les autres toiles sont restées vierges. Elles sont compactées trois par trois, avec du carton marron et de l'adhésif orange, de matières peu « nobles ». Les paquetages sont exécutés à la va-vite, machinalement, contrastant avec les toiles blanches, correctement manufacturées, de lignes élégantes, vierges. Ces toiles en transition sont prêtes à partir à la poubelle ou peut-être attendent-elles d'être achevées. Révèlent-elles un non-dit? Est-ce l'impossibilité d'envisager vingt-deux paysages d'un monde que nos mœurs ne veulent pas métaphysique, ésotérique, chargé de destin et transcendant? Peut-être que le monde dans lequel nous vivons préfèrerait des paysages plus sociaux, raisonnés mais décalés, kitsch pour ne pas se prendre au sérieux, d'une surface remplie d'absence, de vide.

    Cette installation, typiquement contemporaine dans sa fabrication, témoigne de mon renoncement à la peinture. C'est une mise à mort de mon propre travail, comme d'un homme qui arrêta d'écrire après vingt-sept livres. Construisant positivement ma propre ruine, ces toiles fabriquées à ne pas être peintes, suggèrent tout de même une image. La carte numéro sept, « Le chariot » symbolise le changement, le passage d'un état à un autre. Ici, elle est représentée par un avion-obus sur un tarmac glissant, prêt à pénétrer une des deux tours en arrière-plan. L'avion est prêt lui aussi à construire sa propre ruine à l'image de la tour de Babel. Sauf qu'ici la tour est rectangulaire, droite, fière d'être debout, comme ces toiles assemblées trois par trois. Sept pavés architecturaux qui attendent la couleur qui leur sera refusée, bâillonnés pour n'avoir rien dit, recevant le châtiment de n'être qu'une installation.


      Ce fut le dernier et unique travail présenté lors de mon bilan de 5ème année à l'école des Beaux-arts. J'ai sabordé cinq années de travail. J'ai risqué mon diplôme sur cette réalisation kamikaze et payé le prix de ma liberté d'action. J'ai voulu jouer ma dernière carte en retournant mes échecs à mon avantage, comme avec ironie et roublardise, un moudjahidin triomphe d'avoir perdu la guerre.

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